En hiver, les circassiens font feu de tout bois!

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Hiver & Covid. Brrr, le cocktail qui glace… Alors, en ce début février, comment va l’énergie des circassiens ? Comment voient-ils le futur proche, le printemps, l’été ? Nous avons posé la question à 3 artistes parmi la trentaine que nous accueillons en ce moment à l’Espace Catastrophe, dans le cadre des Résidences « Last Minute », 3e opus de ce dispositif monté en réponse à la crise du Covid-19. Le verdict ? Entre espoir & déprime, leur choix est vite fait. Ils redoublent d’imagination, l’œil rivé sur un été qui amènera, espèrent-ils, quelques retrouvailles avec le public… 

Lors du 1er confinement, en mars dernier, Iara Gueller, jeune acrobate aérienne, avait transformé sa garde-robe en agrès et faisait de la corde lisse dans sa cuisine. « Ma maison était devenue un laboratoire d’exploration physique », rigole-t-elle. Pas de doute, les circassiens redoublent d’imagination face à la réalité – c’est d’ailleurs leur métier. Mais, blague dans le coin (du placard), comment vivent-ils cette crise ? Quel est leur état d’esprit ? Comment voient-ils l’avenir, proche ou moins proche ?

Aujourd’hui, à l’Espace Catastrophe, dans les 5 salles désormais toutes dédiées aux créations, une partie de la réponse saute aux yeux : ça bosse sec ! Depuis le début de la pandémie – en lieu et place de activités et projets annulés [Cours, Stages, Labos, Rencontres, Spectacles, etc.], notre équipe ne cesse de réinventer les possibles. Pour la 3e fois, nous avons Rendez-Vous avec les Résidences Last Minute. Depuis le 11 janvier, et jusqu’au 12 février, une trentaine de Compagnies travaillent du matin au soir [et certaines, même, du soir au matin], en vue de préparer une nouvelle création, en prévision d’une reprise longuement attendue ou pour se questionner et chercher de la nouvelle matière en vue d’un prochain projet.

Nous avons profité d’un moment de pause pour questionner Mikhaïl Karahan [Cie Wurst], Marta Lodoli [Les Chaussons rouges] et Iara Gueller, et leur demander ce qui, au final, « les fait tenir ? ».

 

 

« L’espoir bien sûr ! », répond sans hésiter Mikhaïl Karahan, qui a lâché quelques instants la trottinette sur laquelle il passe ses journées (acrobatiques) avec Elias Oechsner, de la Compagnie Wurst. Mais il précise d’emblée : « Cet espoir a changé. Par nature, notre métier inclut déjà plein de choses incertaines : ton spectacle va-t-il tourner ? Vas-tu avoir les moyens suffisants pour créer ? Mais, avec le covid, cette incertitude a pris une ampleur inouïe. Tout, en fait, est devenu incertain. Aujourd’hui, notre travail au quotidien, c’est donc de bâtir et de préserver l’espoir, envers et contre tout. Parce que sans lui, tu ne peux pas créer. »

 

 

Une année en montagnes russes.

N’allez donc pas croire que l’énergie du circassien tombe du ciel. Comme le corps, le mental s’entraîne aussi tous les jours. Pour Mikhaïl, spécialiste de la roue Cyr, sorti de l’Esac en 2018, les deux confinements ont interrompu le boom d’une vie professionnelle déjà bien hyperactive. « Je jouais mon numéro dans un cabaret en Allemagne. Nous avions énormément de dates », explique-t-il. « Il a fallu accepter de voir les choses autrement. Cette année, c’étaient les montagnes russes. J’ai beaucoup travaillé physiquement, mais je me suis aussi permis de suspendre l’entraînement pendant un mois. Ça ne m’était plus arrivé depuis l’adolescence ! Cette période a imposé un temps d’arrêt que je trouve profitable : plutôt que de laisser rouler les choses, de suivre les contrats d’engagement, tu es obligé de réfléchir à ta pratique. »

D’ailleurs, c’est en lâchant sa roue Cyr et en empoignant une trottinette qu’il « lâche aussi tous les doutes qui nous entourent ». « Ça fait vraiment du bien, cette Résidence. On est dans un état de recherche, sans la pression d’un spectacle à produire à tout prix, immédiatement. »

C’est comme au karaté : le confinement est un adversaire dont on peut parfois renverser la force. Il peut même inspirer des spectacles. La Compagnie Chaussons Rouges travaille en ce moment à l’Espace Catastrophe sur le projet Contemplations, une création dont les idées sont directement puisées dans nos conditions de vie. « Comme tous les festivals étaient compromis, nous avons voulu créer une forme qui puisse s’adapter aux lieux inhabituels où elle pourra se jouer : friches industrielles, parcs,… Nous visitons des espaces magnifiques à travers tout le pays et nous rencontrons des passionnés, c’est vraiment réjouissant ! », dévoile Marta Lodoli. Avec sa comparse Audrey Bossuyt, elle n’a pas perdu une seconde de bonne humeur et de détermination. « En mars 2020, nous étions sur la fin d’une grosse création. On a libéré l’équipe… et on s’est dit que c’était le moment de lancer un projet à nous deux. On est très soudée, on a toutes les deux un caractère très combattif. On sait combien il est important de continuer à créer : ça nous enrichit, ça nous tient debout ! »

 

 

L’espoir, évoqué par Mikhaïl, se construit aussi à la main pour Marta et Audrey : elles s’appellent tous les jours, s’entraînent dès qu’elles peuvent, répondent aux appels à projets, créent des opportunités. « J’ai écrit à la Commune de Forest : ‘Je suis funambule, les spectacles sont annulés, j’adore l’Abbaye de Forest, engagez-moi !’ », rigole Marta. Et le comble ? Ça a marché ! Début octobre, Marta et Audrey funambulaient au parc Jacques Brel. « Quand on a des difficultés, on aime bien s’accrocher », dit-elle.

 

Créer un appel d’air.

Iara Gueller, escaladant son armoire à vêtements, ne pourra qu’acquiescer. « Au début du confinement, j’ai vraiment eu peur », détaille l’artiste brésilienne. « Je suis assez sociale, j’adore rencontrer les gens. Je ne voyais pas comment j’allais survivre chez moi. Alors j’ai fait une liste de tout ce que je pouvais faire à la maison : de la couture, lire tous ces livres qui m’attendaient depuis longtemps, m’entraîner, travailler à mon solo, écrire,… La liste grandissait tous les jours ! J’ai aussi suivi un laboratoire de création en ligne, donné par Artur Faleiros, qui m’a permis d’échanger en pratique avec d’autres artistes. »

La peur du vide ? Pas du tout. Plutôt l’envie de créer un appel d’air – et même d’oxygène. « C’est un moment très difficile pour tout le monde. J’avais peur de perdre la motivation », explique Iara Gueller. « Pour les artistes, ne pas savoir quand on va retourner sur scène, ça n’aide pas. On n’a pas envie de créer ‘pour rien’, on crée pour le public. Alors, il faut trouver des trucs pour tenir. »

 

 

La Résidence de Iara lui permettra de poursuivre son travail sur Eramos Nos, solo aérien où elle se débat avec un agrès de son cru : huit doubles cordes (plutôt) capricieuses. « Ces Résidences à l’Espace Catastrophe tombent super bien », commente-t-elle. « Je travaille en ‘distanciel’ avec ma metteuse en scène, qui est au Brésil, et en ‘vrai’ avec le créateur de la partition musicale. C’est fondamental pour nous de continuer à créer. Mon espoir pour 2021, ce sont les spectacles en extérieur ! Il y a eu des choses magnifiques en Belgique l’été dernier, qui ont souvent permis un contact différent avec les publics. Il faut s’accrocher à de chouettes perspectives et, si on les perd de vue, il ne faut pas hésiter à s’inspirer des bonnes idées autour de nous. Ça nous aide à voir la lumière, plutôt que l’ombre. »

 

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Les Résidences Last Minute [TER] se sont déroulés du 11.01 > 12.02.2021, accueillant 11 Compagnies | Découvrez notre album photos sur FLICKR.

Suite à la prolongation des mesures sanitaires, les Résidences Last Minute #4 prendront le relais, du  22.02 > 02.04.2021

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